Hervé Paul
« Le chanteur qui ne voulait plus chanter« . Ce n’est pas le titre d’un inédit de l’idole des jeunes, mais bien le costume dans lequel Hervé Paul aurait pu se glisser après vingt ans d’une carrière démarrée en 1988 avec la chanson Quand tu t’en iras, à une époque où la variété française se découvrait des possibles sur les brisées de cette vague punk qui avait laissé aux portes des radios son groupe Floo Flash et des dizaines de jeunes musiciens électrisés par la musique des Jam ou des Ramones. Un choix que le musicien, voix unique dans le paysage musical français, était prêt à prendre sans amertume ni regret : « Après la sortie de mon quatrième album Le Chemin des dames, en 2008, et les concerts qui ont suivi, j’avais l’impression d’avoir bouclé ma carrière solo. Lorsque je l’avais débutée, j’avais dans l’idée de faire trois albums, donc quatre, c’était déjà au-delà de mes espérances ! »
Décidé à investir pleinement sa carrière de réalisateur (c’est à lui que l’on doit le formidable album collectif hommage à Nino Ferrer, On dirait Nino, paru en 2005), de songwriter et de « song doctor », ces accoucheurs de chansons voués à rester dans l’ombre de leurs patients, Hervé Paul n’en avait pas pour autant renoncé à l’électricité. Ni à ses premières amours, scellées en 1977 dans la cabine d’écoute d’un disquaire de Bournemouth, en Angleterre, en découvrant Judy is a Punk des Ramones sur une compilation (intitulée New Wave) qui allait changer sa vie. « J’ai continué à travailler, à bosser mes chansons et mon instrument, et au bout d’un moment, je me suis dit : mais en fait, ce que je veux vraiment faire depuis le début, c’est juste être dans un groupe de rock et jouer de la guitare. C’est être, toutes proportions gardées, Pete Townshend dans les Who plutôt que Roger Daltrey. »
C’est donc ainsi, à la fin des années 2010, que naissent Les Ex’s, projet autour duquel Hervé Paul, résolu à ne plus tenir le micro, rassemble quelques vieilles connaissances issues de la scène punk-rock hexagonale des années 80 (dont le bassiste Marc Upson, ancien GPS – Garage Psychiatrique Suburbain, le groupe de Thierry Hazard et Thomas de La Mano Negra) et pour lequel il compose et enregistre une demi douzaine de chansons. Les Ex’s ne trouveront jamais leur Roger Daltrey. Et les démos du groupe resteront dans un tiroir jusqu’à ce que le hasard ne remette sur la route d’Hervé Paul le producteur américain Mark Plati (réalisateur de deux albums pour David Bowie à la fin des années 90, mais également pour Rita Mitsouko, Alain Bashung ou Gaëtan Roussel), avec lequel il s’était lié d’amitié au début des années 2000 à la faveur d’une collaboration pour la chanteuse québécoise Martine St-Clair. Séduit, celui-ci le convainc de venir les enregistrer lui-même dans son studio, à New York.
Sur place, leurs amitiés respectives leur permettent de s’adjoindre les talents d’une paire de musiciens dont la simple énumération des états de service ferait cloquer la peinture du Rock’n Roll Hall of Fame – le Britannique Pete Thomas, batteur des Attractions d’Elvis Costello, et le pianiste Charles Giordiano, de tous les projets de Bruce Springsteen depuis le milieu des années 2000. Fin 2019, Hervé Paul boucle ainsi l’enregistrement de ce qui deviendra #5, son cinquième album. En moins de temps qu’il ne lui en aurait fallu pour ouvrir son étui à guitare, ou presque. « Je n’avais jamais fait un album aussi vite, peut-être parce que c’est un disque que je n’avais pas du tout anticipé, et parce qu’il y avait autour de moi un niveau de compétences que je n’avais encore jamais rencontré sur un projet solo. Je me rends bien compte qu’il est hors des standards de ce qui se fait aujourd’hui, avec un côté old school, ou vintage, c’est selon, mais c’est totalement assumé. »
Un disque sur lequel on retrouve donc six chansons originellement composées pour Les Ex, rhabillées pour les noces du punk-rock frenchy, d’une tradition toute britannique (Pour ma Lolita) et de l’Americana (« Les Ex avaient un côté déconne et un peu sale, Mark a taillé ça pour les highways »), mais également une poignée de titres plus anciens, offerts à d’autres et qu’Hervé Paul se réapproprie aujourd’hui. C’est le cas de La Terre tourne, une chanson enregistrée en 1993 par Kent, dont il fût un temps le partenaire d’écriture, mais aussi de Puisque la vie continue, premier single aux effluves « springsteeniennes », de D’où je viens – qui évoque parfois l’univers du regretté Hubert Mounier (L’Affaire Louis Trio), orfèvre pop longtemps resté prisonnier d’un costume de dessin animé – ou encore de la ballade Amoureux fou, qui cisaille des pochoirs dans nos cœurs en crépon.
Cosignée par Mark Plati (également aux chœurs) et écrite du point de vue d’un jeune G.I. tombé sur une plage normande en 1944, Omaha Beach, enfin, est un bel hommage à l’amitié franco-américaine sans laquelle cet album, que signe à l’automne de sa carrière l’une des dernières authentiques voix du rock d’ici, n’existerait peut-être pas.
– Fred Valion
Tracklist :
1 – C’est La Vie (3:30)
(hervé paul)
2 – D’Où Je Viens (3:43)
(hervé paul / hervé paul – kit hain)
3 – Pour Ma Lolita (3:20)
(hervé paul)
4 – Un Jour Nouveau (3:48)
(hervé paul)
5 – Omaha Beach (feat. Mark Plati) (4:12)
(hervé paul / hervé paul – mark plati)
6 – Puisque La Vie Continue (3:42)
(hervé paul – kit hain / kit hain)
7 – La Tête à Ça (3:29)
(hervé paul)
8 – Amoureux fou (4:10)
(hervé paul / kit hain )
9 – J’adore Ça (3:48)
(hervé paul)
10 – La Terre Tourne (3:26)
(kent cokenstock / hervé paul)
Crédits :
Produit et mixé par Mark Plati
Enregistré à Mission Sound (NYC) par Oliver Strauss, à Alice Restaurant (NYC) et au studio Le Chantier (Montreuil) par Mark Plati
Pete Thomas : batterie
Mark Plati : basse, guitares, claviers, cœurs
Charles Giordano : piano, orgue, claviers
Jacques Bastello : guitares, cœurs
Marc Upson : guitares, cœurs
Hp : guitares, chant
Steve Donnelly : guitare sur « D’où je viens »
Hélène G. Doherty : cœurs sur « J’adore ça » & « Pour ma lolita »
Benjamin Constant, Douce-Marie Baer & Bo Geste cœurs sur « La tête à ça »
Coordination artistique : Frédéric Fortuny
Production exécutive : Lewis Primo pour La Belle Equipe
Mastering : Benjamin Joubert à Biduloscope
Photo : Frédérique Veysset
Artwork : Éric Perez
(p) & (c) Hervé Paul 2020